lundi 17 octobre 2016

Le matin en avait décidé autrement (Salomé Vienne)

Éda et Théo avaient tout pour être heureux. Des gamins comme les autres, qui jouaient à se faire peur en se racontant des histoires au pied du grand châtaignier. Un jour pourtant, Éda disparaît sans laisser de traces. Et tout le monde oublia l’arbre, Éda et ses rêves étranges. Tous, sauf Théo… Commence alors pour lui l’expérience du doute, l’adolescence puis l’âge adulte. Mais de l’autre côté des mondes, prisonnière de la cellule 222 du Centre de tests génétiques de l’Empire, Éda vit encore et lutte, chaque matin, pour un fol espoir : retrouver Théo et lui confier sa dernière histoire, celle de sa survie… Salomé Vienne nous entraîne aux confins des mondes, là où l’impossible et le merveilleux se rencontrent pour forger un récit hypnotique.

Parlons donc un peu ! Me voici de retour pour une chronique sur un livre qui a été celui des surprises. Et des bonnes !

Le matin en avait décidé autrement est un roman qui nous plonge dans un univers auquel on ne s’attend pas. Théodore et Éda sont amis, et partagent de nombreux rêves, comme les deux enfants qu’ils sont… voire même un peu plus loin. Parce qu’Éda est plus qu’elle n’en a conscience, et il se pourrait bien que le duo franchisse des frontières jamais imaginées. Des mondes impensables… auxquels il faudra pourtant bien songer, jusqu’à s’y plonger.

Je sais que ce résumé est étrange, en même temps, je vais avoir véritablement du mal à faire mieux concernant ce bouquin. Pourquoi ? Parce qu’il raconte une grande histoire avec une immense richesse et sur une trame qui prend son sens tardivement. Et comme je n’ai pas envie de vous gâcher le plaisir de la découverte, je vous laisse mariner dans votre incertitude, dans vos questions, et je poursuis sur ma lancée !

Dès le départ du roman, on rencontre une plume innovante, qui nous prend tout de suite à partie et dans laquelle on essaie aussi immédiatement de comprendre où nous avons atterri. C’est plein de poésie, de rêves inachevés, d’une douceur à laquelle nous ne sommes pas tout à fait habitués. Salomé Vienne nous donne rapidement le ton, puisqu’elle va en plus s’amuser à jouer sur les registres pour nous présenter des univers, des scènes qui n’ont rien de contes de fées.

Au départ, tout paraît normal, amusant, comme des réminiscences d’un passé un peu flou mais qui a compté. Et puis, tout bascule, jusqu’à la narration qui devient plus hachée, plus décomposée. Il est alors plus difficile de comprendre, mais le lecteur est pris dans l’histoire, et il veut savoir ça a été mon cas.

Éda est partie dans un monde particulier, un univers gris et violent. La violence est latente, l’humiliation constante, et pourtant, c’est là que tout va se déployer après des années, une fois que le puzzle aura été reconstitué et que notre duo de départ aura pu être rassemblé. Et pourtant, le lecteur va très vite comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de deux mondes, mais d’une infinité de possibles dont seulement quelques-uns sont présentés, de façon parfois poétique, comme les contes que nous avions étant enfants, et d’autres de façon beaucoup plus crue, ce qui a de quoi désarçonner.

En vous écrivant, là, j’ai un peu peur de partir dans tous les sens, en même temps, si j’ai suivi de façon linéaire le roman pour le lire, il m’a un peu explosée en plusieurs partie, alors que le rythme variait, toujours en me laissant imprégnée de l’histoire, même quand je n’avais pas le livre sous les yeux. L’impression est curieuse, à dire vrai. Il y a un véritable travail stylistique qui a été effectué, en plus de celui de l’imaginaire qui a de quoi dérouter et fasciner.

Parce que oui, Le matin en avait décidé autrement, c’est la confrontation aussi du réel et de l’irréel, de l’imaginaire en puissance. C’est aussi pour ça que Théo et Éda sont si fascinants. Ils nous embarquent loin, dans des contrées ayant leurs propres mœurs, leurs propres dérives et leurs propres règles, qui nous font incroyablement réfléchir sur nos sociétés actuelles. L’histoire de Lou m’a tellement frappée, d’ailleurs. Elle était crue, elle m’a beaucoup travaillée et je pense qu’elle me travaille encore, parce qu’elle n’est pas très éloignée d’une réalité que nous vivons. C’est assez choquant, en fait !

Salomé Vienne parvient donc à jouer sur plusieurs tableaux : d’abord avec ses deux personnages qui n’évoluent pas dans les mêmes endroits/réalités temporelles, bref, voilà, ensuite parce qu’elle nous livre des citations, des récits qui ont trait à l’histoire mais ne prennent sens que vers la fin du roman, et enfin parce qu’elle nous offre aussi les points de vue de personnages clefs d’autres univers pour comprendre la trame globale sous un autre angle. Quand je vous dis qu’elle nous éparpille pour mieux nous rassembler… c’est un peu cette impression. Tout finit par s’assembler et s’imbriquer de façon intelligente, mais doucement.

Concernant les personnages, ils sont tous les deux très agréables à suivre, même s’il y a des moments où clairement, on aimerait ne pas savoir, ne pas être là. Théo n’est pas toujours un exemple, Éda ne vit absolument pas dans le monde des Bisounours, mais pourtant, ils possèdent chacun une force d’esprit, une force de cœur qui les rend beaux, et qui nous donne envie de les suivre. Ils sont uniques, plein de fêlures et de doutes, et ensemble toutefois plus forts, merveilleux. Chaque personnage rencontré possède ses spécificités, et j’avoue avoir aussi beaucoup aimé Marnie.

Que dire de plus ? Je crois que j’ai fait le tour de mes impressions.

En conclusion, Le matin en avait décidé autrement nous ouvre les portes de plusieurs surprises bien agréables et innovantes. Salomé Vienne nous propose un récit à la narration multiple, faisant parler plusieurs personnages et offrant plusieurs vues, plusieurs histoires qui permettent de comprendre la trame principale, mais sur la fin. Les personnages sont uniques, faits de fêlures et de forces, et le duo Théo/Éda a tout pour plaire au lecteur, qui se laissera vite embarquer dans leur histoire, sans pour autant tout saisir immédiatement. L’imaginaire est assez grandiose, la fresque ressemble à celle d’un puzzle qu’il faut reconstituer et duquel il est difficile de se détacher, avec un rythme assez rapide et des airs de poésie, sur certains passages. En bref, ce roman est bourré de qualités et il saura vous émerveiller, vous questionner et surtout, il saura sans conteste vous marquer !
Ce sera donc un 17/20 pour moi et je remercie chaleureusement les éditions Mnémos !

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