vendredi 2 décembre 2016

Une Chanson pour Ada (Barbara Mutch)

Ada naît dans les années 1930 à Cradock House, demeure de la famille Harrington. Fille illégitime de la domestique noire, elle grandit aux côtés des deux enfants du couple. Elle ne va pas à l'école, mais Cathleen Harrington, la maîtresse de maison, lui apprend à lire. Remarquant son intérêt pour la musique, cette dernière entreprend de lui enseigner le piano, en dépit des réserves de son entourage. Ada a beau s'avérer une élève assidue et une pianiste très douée, ses perspectives d'avenir semblent cependant bien limitées dans un pays où la situation entre Blancs et Noirs se durcit de plus en plus. L'année de ses dix-huit ans, alors que la politique de l'apartheid est mise en place sur l'ensemble du territoire, Ada est violée par Mr Harrington. Enceinte, elle se réfugie chez sa tante, dans un township. Son talent pour la musique et l'amitié qu'elle partage avec Mrs Harrington vont se révéler ses meilleurs alliés dans un monde où, mère d'une enfant métisse, elle n'a nulle part sa place.

Bon, avant que je ne sois encore plus en retard dans mes chroniques, il est temps de me pencher sur une jolie découverte !

Une chanson pour Ada est l’histoire d’Ada (on s’en doutera), une enfant née à Cradock House, en Afrique du Sud. Avec sa mère, elles servent les maîtres de la maison, qui les considèrent pourtant en majorité comme des membres de la famille. Pour autant, la différence entre Noirs et Blancs est déjà là, et même si Ada veut croire de toutes ses forces que cela n’aura pas d’impact dans ses relations avec eux, elle se rendra compte au fil des années qu’il en est tout autrement… Mais l’amour, l’amitié et l’espoir sont permis. Alors que l’apartheid prend corps, c’est l’histoire d’une fillette, puis femme, qui aime intensément la musique et ses proches, que nous allons découvrir.

Volontairement, mon résumé en dit beaucoup moins que la quatrième de couverture. La raison en est simple : je me suis spoilée toute seule l’histoire en relisant ces mots, alors que j’avais dépassé les 100 pages dans le roman. Un résumé qui en dit plus qu’après ce stade en dit trop pour moi, même si l’histoire d’Ada est en effet bien plus complexe que cela. Bref.

Le roman m’avait intriguée par sa belle couverture et par la promesse de la découverte d’un pays que je ne connais que très peu. L’Afrique du Sud est une contrée dont j’ai entendu parler un peu en cours, un peu grâce à Nelson Mandela, comme beaucoup d’entre nous. Sinon, c’est un peu le vide, et comme je suis curieuse, j’ai voulu essayer. Grand bien m’en a pris, parce que ce bouquin est une perle, avec une histoire peu évidente mais très entraînante à sa manière !

Lorsque le récit commence, Ada est toute jeune, et comme c’est elle la narratrice, les phrases sont simples, les incompréhensions parfois nombreuses, et cela évolue au fil des pages. On remarque toujours que cette enfant est un peu… inconsciente, quelque part, et c’est normal : c’est le manque d’éducation qui se fait sentir. Pour autant, Ada a une grande connaissance du cœur, et elle est très observatrice, très humble… c’est un personnage d’une grande richesse et d’une grande humanité que l’on apprécie beaucoup de suivre.

On se lie vite avec tout l’entourage de notre héroïne : Madame Harrington, Mr Phil, la mère d’Ada, Lindiwe quand elle survient… beaucoup évoluent autour d’elle, en fonction de ses périodes de sa vie. Attention, tous n’attirent pas forcément notre sympathie, comme Monsieur Harrington, toujours distant, ou Miss Rose. J’ai eu du mal avec la tante d’Ada, aussi. La mosaïque des caractères présentée est très riche et très variée, exactement comme les fresques humaines que nous formons tous les jours, avec cependant des contextes radicalement différents.

L’histoire d’Ada est compliquée : elle mêle un désir d’appartenance fort avec des gens qui n’ont pas la même couleur de peau, mais qui parfois partagent ses sentiments et essaient de faire d’elle un membre à part entière de leur cercle. Ada va néanmoins vivre des évènements particulièrement difficiles, tout en assumant la charge que cela impose. On ne peut que l’admirer et rester rivé au bouquin, alors qu’au fond de nous, l’empathie est là, et qu’on ne peut rester indifférent à ce qui se produit pour elle.

Avec ce roman, le dépaysement est total. Les impressions par rapport au climat, aux conditions de vie, aux échos historiques dans d’autres parties du monde… c’est vraiment comme si le lecteur était en Afrique du Sud et observait avec Ada ce monde si étrange qui change d’un seul coup, prend une direction inattendue. Avec nos repères européens, on apprend à lire tout ceci avec un autre recul, à voir les choses autrement, et j’apprécie beaucoup le changement de perspective. Sans compter que les descriptions des lieux m’ont donné l’impression d’y être !

On sent réellement un travail de recherche et de composition de la part de l’auteur : elle le précise d’ailleurs à la fin de son roman, dans les remerciements. Chaque détail semble pensé, peaufiné, pour assurer un voyage en douceur mais avec de solides bases au lecteur. Sans parler de la musique ! Soyons clairs, je déteste le classique, mais j’aime le piano et voir toutes ces références aux morceaux de divers compositeurs m’a beaucoup plu. Cela offrait aussi une autre dimension riche et originale à ce bouquin déjà bien dense.

Au niveau de la plume, Barbara Mutch a su offrir à son lectorat une plume évolutive. Elle a fait d’Ada sa narratrice, depuis sa plus tendre enfance jusqu’à la fin de sa vie. À chaque page, le style reste le même, en s’imprégnant des leçons apprises. Les phrases deviennent plus affirmées, les doutes ou les certitudes s’installent… cette plume est assez impressionnante, en fait. Très douce et envoûtante, je suis assez charmée !

Quant aux valeurs, je pense qu’on peut en dire beaucoup. La première est cette notion de différences entre Noirs et Blancs, qui nous paraît incongrue, violente et contre laquelle nous avons envie de nous soulever. La notion de justice apparaît clairement, d’égalité, de fraternité et surtout d’humanité. Ada est souvent obligée de choisir son camp, et c’est celui de l’amour qu’elle prend. L’amour de sa fille, de ses proches, notamment. On apprend le pouvoir des idées, le pouvoir de la musique, en bref, le pouvoir de chacun. L’amour est présent, l’espoir aussi, et c’est ce qui fait de ce roman un beau rayon de soleil malgré les épreuves auxquelles nous assistons.

En conclusion, Une chanson pour Ada est un superbe roman qui m’aura transportée en Afrique du Sud, auprès d’une femme qui aura vécu une vie parfois difficile, mais qui a aimé et espéré toute sa vie. Le contexte culturel et géographique est fascinant, Ada est une héroïne forte et pourtant avec des défauts, humaine, en somme, que beaucoup devraient apprécier. Elle m’a en tout cas beaucoup touchée, et j’ai passé un excellent moment de lecture en sa compagnie ! Les valeurs véhiculées sont belles…
Enfin bref, je vous le conseille largement et ce sera un 18/20 pour moi !

1 commentaire:

  1. L'histoire a l'air émouvante et le contexte original. Je n'ai jamais rien lu sur cette période. Les livres qui s'étalent sur toute une vie ont souvent une dimension particulière. Ils font ressentir plus que les autres le poids du temps sur les êtres. Et perso, ça me donne du courage de voir tout ce qu'on peut surmonter au cours d'une vie. Je sais pas si je le lirai un jour parce qu'il y a souvent dans les livres sur la ségrégation des scènes assez humiliantes qui me mettent super mal à l'aise, mais si un jour, je me sens de lire sur le sujet, je pense que ce bouquin fera l'affaire.

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