mercredi 5 octobre 2016

Repose-toi sur moi (Serge Joncour)

Aurore est une styliste reconnue et Ludovic un agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes. Ils n'ont rien en commun si ce n'est un curieux problème : des corbeaux ont élu domicile dans la cour de leur immeuble parisien. Elle en a une peur bleue, alors que son inflammable voisin saurait, lui, comment s'en débarrasser. Pour cette jeune femme, qui tout à la fois l'intimide et le rebute, il va les tuer. Ce premier pas les conduira sur un chemin périlleux qui, de la complicité à l'égarement amoureux, les éloignera peu à peu de leur raisonnable quotidien. Dans ce grand roman de l'amour et du désordre, Serge Joncour porte loin son regard : en faisant entrer en collision le monde contemporain et l'univers intime, il met en scène nos aspirations contraires, la ville et la campagne, la solidarité et l'égoïsme, dans un contexte de dérèglement général de la société où, finalement, aimer semble être la dernière façon de résister.

J’ai pu lire ce roman assez surprenant grâce à la Masse Critique de Babelio, que je remercie grandement !

Repose-toi sur moi est l’histoire d’Aurore, qui se retrouve dans une situation compliquée avec sa maison de haute couture, que son associé est en train de foutre en l’air, et de Ludovic, ancien agriculteur qui désormais fait du recouvrement de dettes chez le particulier. Tous deux n’ont fait que se croiser dans la cour cerclée par leurs immeubles, jusqu’au jour où Aurore n’a plus pu supporter les corbeaux nichés en ces lieux. Totalement effrayée par ces volatiles, c’est Ludovic qui va l’en débarrasser. Aucun des deux ne peut imaginer le rapprochement qui va ensuite s’effectuer…

Je vous l’accorde : quand on lit un résumé comme ça, on se dit que vraiment, ils n’ont rien en commun et même avec le coup des corbeaux, ça va être chaud de les unir. Mon impression a été celle de l’incongru, lorsque le rapprochement se fait. J’avais envie de demander comment l’auteur pouvait réellement les mettre ensemble et surtout… comme ça ! Parce que ce qu’on ne dit pas, c’est qu’Aurore est mariée, notamment.

Tout de suite, le roman prend une dose de réflexion qui va nous suivre tout au long du bouquin. Cette relation va quand même la questionner sérieusement : peut-elle abandonner son mariage ? Ses enfants ? Que sont-ils en train de faire ? Tout ça avec un micmac de sentiments, d’attirance confuse mais bien présente…

Quand on a été vraiment dans cet amour naissant, dans ce lien auquel ils ne comprennent rien mais dont ils veulent profiter, j’ai trouvé la lecture plaisante. Serge Joncour a en plus de cela une plume très intéressante, très douce et poétique, avec peu de dialogues qui claquent ou rompent avec son rythme, lorsqu’il laisse ses personnages parler. Ça crée une ambiance feutrée, une histoire à la fois réaliste et dans laquelle on entre en enlevant les chaussures, discrètement.

L’auteur nous présente, en plus de cette histoire d’amour qui va prendre un tournant particulier et assez inattendu, des contextes professionnels totalement différents mais bien renseignés. Je n’avais encore jamais lu de propos sur le recouvrement de dettes, ni de la réalité que cela peut recouvrir. Serge Joncour en a dressé un tableau assez saisissant et qui sonne juste. Difficile, mais juste. On voit que tout ne tient pas de l’évidence, clairement. Quant à Aurore, on explore le monde de la mode, mais le monde de la gestion de la mode et celle du marketing. Un vrai monde de loups !

Ce qui m’amène à parler des personnages. Sincèrement, j’ai trouvé que la psychologie et les caractères de chacun sont très bien construits. C’est assez fascinant et surtout très réaliste, même si, comme je l’ai dit, certains moments paraissent incongrus. Quelque part, vu ce qui pèse sur Ludovic et Aurore, ces « coups de folie », si on peut les nommer ainsi, semblent parfaitement justifiés, même si pour nous, avec du recul, ça paraît moins évident. En plus de cela, nos deux amants font quand même face à de parfaits… de parfaits saligauds, excusez-moi du peu.

J’ai quand même apprécié les caractères des deux héros, puissants mais tellement fragiles. Parce que oui, Serge Joncour joue sur la perception de chacun d’eux, la force, la faiblesse, mais il s’amuse aussi et surtout à les faire tournoyer, à jongler entre eux pour que le lecteur lui-même réestime régulièrement les protagonistes.

Toute l’intrigue nous fait peser les différents points avec plus ou moins de densité, et nous évoluons vraiment dans nos ressentis au fil des pages. On apprécie la romance, mais on éprouve cette sourde culpabilité quand même. Et quand tout commence à partir en miettes, nous aussi, nous nous délitons dans nos sentiments, on ne sait plus quoi penser, on suit le truc et comme c’est toujours si fluide, on se laisse porter. Comment s’en sortir ? Le compromis de fin de roman satisfait une partie de mon cœur de lectrice, et pourtant me questionne par rapport à beaucoup de choses, notamment au niveau des valeurs. On finit sur quelque chose d’ouvert, qui nous laisse tout loisir d’imaginer ce que sera l’avenir pour Ludovic et Aurore. Elle ne m’aura pas frustrée, en tout cas, loin de là !

En revanche, comme d’habitude, j’ai encore ma remarque sur les scènes de sexe. Je trouve qu’il y avait beaucoup trop de détails, mais quelque part, la narration ajoutait un plus à ces passages parfois un peu gênants pour moi. Je n’ai pas tout lu, mais je ne doute nullement que Serge Joncour ait là aussi joué sur les ressentis des personnages.

Concernant les valeurs, évidemment, j’ai été questionnée par cette relation adultère. Pour autant, je n’ai pas jugé les personnages, j’ai simplement évolué dans cette histoire avec eux au point de m’attacher, même si je réprouvais les choix d’Aurore ou de Ludovic. Tout est présenté avec simplicité par l’auteur, en plus, donc même si nous on laisse couler (comme tout histoire qui se respecte, sauf si on décide d’avorter sa lecture), on ne peut s’empêcher de se poser des questions. C’est ça que je comprends quand je lis dans le résumé que le roman inclut beaucoup de contradictions. C’est vrai, d’ailleurs, l’auteur dépeint très bien le cœur humain, mais arrive aussi à nous toucher pour que nous fassions le tour aussi !

En conclusion, Repose-toi sur moi est un roman à la fois touchant mais qui peut aussi mettre mal à l’aise parce qu’il questionne. Cela n’empêche pas qu’on puisse s’attacher à Aurore et Ludovic, qui forment un duo assez particulier dans une histoire à laquelle on se laisse prendre. La plume très douce et très fluide et Serge Joncour dépeint une intrigue aux tournants inattendus et aux cœurs humains très réalistes et plein de ressentis contradictoires. De quoi apprécier une histoire d’amour pas comme les autres, avec un contexte professionnel assez rare et surtout bien renseigné, sous un autre angle !
Ce sera donc un 17/20 pour moi !

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